Kano et le nord

Publié le par Romain

 

5 jours dans le nord du Nigeria : Kano et Katsina.

 

Desole pour l’article un peu long, ya toujours pleins de choses a raconter, et encore j’ai pas tout dis.. Vous retrouverez toutes les photos, plus d’autres, dans l’album photos « Kano et le nord ». Bonne lecture.

 

Lors de notre 2ème semaine de vacance au Nigeria, nous avions prévu d’aller visiter le nord. C’est une partie du pays très différente du sud-ouest, région que je connais mieux, que ce soit au point de vue des paysages et de la végétation, plus secs, que des coutumes, de la langue, des systèmes hiérarchiques. Par exemple, dans les états du Nord, la loi de la Sharia est appliquée et c’est un émir qui est à la tête des villes principales.

 

Comme nous ne disposons que de 5 jours pour ce petit voyage et que les trajets en bus sont très déconseillés la nuit (attaques des coupeurs de routes), pour ne pas perdre de temps nous y allons donc aussi en avion. Kano se trouve à 1200km au nord de Lagos, est la plus vieille cité de l’Afrique de l’ouest et est maintenant la deuxième ville du Nigeria après Lagos avec une dizaine de millions d’habitants.

 

Avant le départ, la matinée est occupée à changer de l’argent (ce qui se fait au noir pour avoir les taux les plus intéressants) et acheter les billets d’avion, s’ensuit les classiques embouteillages dans la circulation délirante de Lagos jusqu’à l’aéroport pour finalement arriver à Kano en début de soirée. Cela nous laisse juste le temps de trouver un petit hôtel sympa après avoir eu un peu de mal à se faire comprendre pas le chauffeur de taxi qui apparemment ne parle pas un mot d’anglais.

 

Après une nuit un peu chaude (la clim ne marchait pas et dans ce climat tropical sec, la chaleur se fait bien sentir !) nous partons visiter le vieux Kano. Le centre de la ville est entouré de remparts et abrite entre autre le palais de l’émir, la mosquée centrale et le vieux marché. Nous commençons notre visite par les puits d’indigo, ce sont des puits dans lesquels sont teints les tissus de manière traditionnelle. Ces puits sont privés et appartiennent aux mêmes familles depuis plus de 500 ans.

 

 

Mélanie devant les puits d’indigo à Kano

 

Les différents ingrédients (les bâtons d’indigo pour la couleur bleue, des cendres pour le brillant et du potassium pour faire tenir la teinture) sont mélangés ensemble dans une calebasse avant de macérer plus ou moins longtemps dans les puits selon les propriétés que l’on désire. Des motifs peuvent être réalisés en cousant de petits nœuds avec le tissu avant de le teindre. Ensuite, pour le repassage, le tissu est martelé sur un gros rondin de bois bien lisse, et après 20 minutes de ce régime il ressort encore mieux repassé que mes chemises quand c’est moi qui le fait (bon en même temps c’est pas très dur ça donc c’est pas un super exemple, mais bon tout ça pour dire que leur technique marche pas trop mal quoi).

 

Ensuite nous passons devant la mosquée centrale, puis le palais de l’émir (mais ne pouvons y rentrer, tant pis pour lui) puis allons voir le musée de Kano qui retrace l’histoire de la région et de l’arrivée de l’islam.

 

 

La mosquée centrale de Kano

 

La religion est très importante ici et on voit souvent des gens se laver pour faire leur prière (5 fois par jour) un peu partout dans la ville. Les enfants vont aussi plus souvent à l’école coranique qu’à l’école « normale », c’est pourquoi l’anglais est beaucoup moins parlé dans ces régions. Parfois c’est vraiment problématique pour les conversations, seule une minorité parle bien l’anglais, c’est pas toujours facile avec les commerçants ou les chauffeurs d’okada. Ce qui n’arrange pas les choses pour se repérer dans la ville, c’est que le Haoussa (le dialecte local, mais vous le savez déjà) peut s’écrire avec l’alphabet roman (le « notre ») aussi bien qu’avec l’alphabet arabe et bien sur dans la rue, les panneaux de directions sont écrits en alphabet arabe… Bref il faut mieux compter sur son sens de l’orientation !

 

Nous allons ensuite à la périphérie de la vieille ville, où se trouve les remparts qui date du 14ème siècle. Ils ont subi les dommages du temps et il n’en reste plus grand chose mais une partie est en rénovation et nous pouvons donc voir à quoi devait ressembler la ville au temps de son apogée, ville fortifiée, véritable carrefour commerçant entre le début du désert et la route vers la côte.

 

 

Les remparts rénovés du vieux Kano

 

Dans l’enceinte de la vieille ville se trouve aussi Dala Hill, une petite colline du haut de laquelle on peut apprécier le panorama donnant sur ces centaines de toits en terre, ces ruelles minuscules et tortueuses, où le soleil ne pénètre que rarement offrant aux habitants une ombre bien venue, et les minarets de ces nombreuses mosquées disséminées un peu partout dans la ville. En haut de la colline, on rencontre une dizaine de gamins qui pour tout anglais connaissent « good morning » et «yes » qu’ils répondent à chaque question. Pas facile la communication dans ces cas-là.

 

Le vieux Kano vu depuis Dala Hill

 

Heureusement Zidane est là, même ici il est utile. En effet pour leur expliquer d’où on vient, citer son nom est le moyen le plus facile (c’est pas la première fois que j’essaye, et je pense que c’est ce qui marche le mieux !). Les enfants partent alors dans une énumération sans fin des joueurs de foot européens les plus connus (que je ne connais pas tous étant donnée mon ignorance à ce sujet). Mais quand je cite alors Materazzi (celui-là je l’ai retenu quand même..) ils éclatent de rire et donnent tous des coups de tête. C’est assez incroyable de voir l’impact Mondial de cet acte, comme il est connu de ces enfants de 8-12ans qui n’ont certainement pas la télé ni même accès à l’électricité ou l’eau… Il y a des fois où on a l’impression d’arriver dans des endroits vraiment coupés du monde mais en ce qui concerne le foot, on est rarement déconnecté au Nigeria !

 

 

Un peu fatigué par cette matinée bien remplie et la chaleur écrasante du soleil nous décidons de quitter la ville et ses nuages de poussière et de pollution l’après-midi pour aller sur les rives du lac Tiga, à 80km au sud de Kano (non, la route ne nous fait peur..).

 

Apres donc 15min d’okada pour sortir de la ville, une bonne heure de bus toujours aussi confortable et re-10min d’okada nous voilà au bord du lac, grande retenue artificielle de plus de 35km de long.

 

 

Le lac Tiga, retenue artificielle à 80 km au sud de Kano

 

En fait de station balnéaire, nous découvrons un véritable hôtel fantôme, tout paraît à l’abandon. Il y a encore les restes des jeux pour enfants rouillés et une vieille péniche-restaurant. Pourtant le paysage est plutôt pas mal, mais comme souvent au Nigeria, le potentiel touristique n’a pas su être bien exploité et des millions ont été mal dépensés. Néanmoins l’hôtel (qui est loin d’être minable) est toujours ouvert et le patron, désœuvré et déçu que nous ne restions pas dormir, nous assure même que le we il y a des clients…

 

 

Une touriste dans la brousse

 

Mais au moins nous avons la nature et le calme que nous recherchions. D’ailleurs nous commençons à trouver l’endroit bien désert quand à 17h nous voulons repartir vers Kano pour y arriver avant la nuit. On a l’air malin tout seuls sur cette route déserte à quelques kms du premier village ne sachant pas ou trouver un bus qui va à Kano, sachant qu’il nous reste moins de 2h de jour et plus de 80km de route. Heureusement, comme souvent, les nigérians viennent au secours des pauvres blancs paumés. Ainsi des gamins rencontrés sur la route (à qui ont avaient demandé où prendre le bus) arrête la première okada, le client en descend pour nous laisser la place, le chauffeur nous amène à un croisement de route où il dit 3 mots à un gars, 1min plus tard le gars arrête un mini-bus pour nous. Bref, en quelques minutes, pris en charge sans avoir rien demandé, nous voilà passés de la route déserte à assis dans un bus direction Kano.. C’est ça aussi le Nigeria, la gentillesse de ses habitants.

 

Le lendemain on voulait partir pour Jibiya, la ville frontière entre le Nigeria et le Niger. Nous voici donc a 9h du mat au Motor Park nord de Kano : C’est un endroit ou se rassemblent tous les véhicules qui partent vers le nord de Kano et qui attendent de faire le plein de passagers ou de marchandises : partout des vieux mini-bus rafistolés et des vieilles « pijeotte » 504 et 505 comme ils disent. Nous optons donc pour le bush-taxi, après 1h d’attente pour trouver les 10 passagers qui vont s’entasser dans la 505, plus les bagages..

 

 

Il manque encore quelques passagers pour remplir la voiture

 

Et tandis que la végétation défile et se modifie pour se changer en arbustes plus secs, nous avons le droit à un trajet typique : de nombreux barrages de police où le conducteur passe sans s’arrêter en jetant quelques billets par la fenêtre, une crevaison au milieu de nulle part sous le soleil brûlant et pour finir un barrage de la police de l’émigration.

 

Là je pense que ce n’est pas la peine de vous raconter que j’avais oublié de prendre nos passeports (restés à Lagos donc..), ni comment après des heures d’attentes et de discussions, des explications répétées à tous les niveaux de hiérarchie,  reconduits au quartier général de Katsina, des coups de fils à l’ambassade plus tard, nous attendions toujours. Ni comment j’ai du appeler un copain pour qu’il aille chercher les passeports chez moi, qu’il les scanne et les envoie par e-mail, pour finalement que nous imprimions nos visas dans l’unique cybercafé de la ville. Non vraiment, je pense que ce n’est pas la peine de vous raconter tout ça…

 

 

Ainsi donc, le soir arrivant et n’ayant pas mangé depuis le matin, et surtout quasiment pas bu et c’est bien ça le plus dur avec cette chaleur étouffante et littéralement écrasante, nous trouvons un hôtel bien agréable avec un bon petit restaurant pour clore cette journée fatigante et stressante mais qui nous laissera des souvenirs et pas que des mauvais !

 

 

Le lendemain, visite de Katsina, avec outre le palais de l’émir et la mosquée centrale, le minaret Gobarau : une impressionnante tour en terre de 15m de haut (ce qui en fait le bâtiment en terre le plus haut au Nigeria) sur laquelle on peut monter par un escalier en colimaçon et avoir un panorama sur la ville.

 

 

Mélanie sur le minaret Gobarau, à Katsina.

 

En se baladant dans les ruelles de la vieille ville, on passe près d’une école primaire, apparemment à l’heure de la récré, et après quelques mots échangés avec les maîtresses (qui parlent parfaitement anglais) nous voilà entourés par des dizaines et des dizaines d’enfants. C’est une véritable marée humaine, ils nous suivent pas à pas, pleins de curiosité et en même temps pas très rassurés, si on fait un pas vers eux ils reculent, tiennent leur distance et évitant le contact. En revanche quand on sort l’appareil photo là c’est le déchaînement général, tout excités les gamins sautent de partout, toujours plus nombreux. Après une course dans les ruelles pour essayer de les semer (on voudrait pas qu’ils ratent l’école mais ils ne comprennent pas l’anglais) on est obliger de s’éclipser en okada !

 

 

Vous connaissez le jeu « mais où est Charlie ? », bah là c’est un peu le même principe…

 

L’après-midi nous partons pour Daura, une petite ville, pas très loin de la frontière non plus (mais maintenant on a les photocopies de passeport, c’est bon J..) .Dans Daura c’est la grosse fête, la fête de quoi on sait pas.. toujours est-il qu’arrivés devant le palace de l’émir il y a foule, on y trouve des musiciens traditionnels, des gens apparemment importants, sûrement des chefs locaux, des chevaux préparés avec de belles parures, des hommes en habits traditionnels, enturbannés dans des couleurs éclatantes. Quand on demande si on peut continuer on nous dit toujours oui, nous voilà donc à traverser les salles de réceptions du palais de l’émir, parmi une foule bruyante et nombreuse, au milieu des cris de slogans en haoussa.

 

 

Devant le palais de l’émir, à Daura

 

C’est un moment vraiment incroyable, on ne se sent pas du tout à notre place mais apparemment, même si nous attirons l’attention de tous ça n’a l’air de déranger personne. J’ai un peu l’impression d’être sur une autre planète, ou alors comme Indiana Jones quand il découvre la cérémonie du Temple maudit. Apparemment c’est l’émir qui accorde des audiences, on nous demande même si on veut aller le voir, mais ne sachant pas quoi lui dire à ce brave monsieur on préfère décliner et s’éclipser poliment pour aller manger un morceau.

 

 

A la télé du boui-boui où l’on mange, ils retransmettent les funérailles de 13 chefs de l’armée nigériane décédés dans un crash de leur avion.. L’après-midi on déambule dans les ruelles de la ville puis on prend un danfoo pour retourner à Kano.

 

Une maison bien decoree, à Daura

 

Pour le dernier jour, on s’était réservé la visite du Kurmi Market, l’immense marché du vieux Kano. On trouve rapidement un « guide » qui pourra nous conduire dans ce dédale d’allées, à travers les différents parties du marché, le coin viande, où les animaux sont abattus et dépecés sur place (sympa l’odeur…), là où on trouve les objets de cuir, les tissus, les calebasses (utilisées comme récipient), les objets de décoration etc… mais aussi faire la traduction avec les vendeurs. Car même si j’ai essayé d’apprendre quelques mots d’haoussa, ceux-ci sont tantôt accueillis par des réponses enjouées tantôt par des « sorry, no english »… ça doit être l’accent…

 

 

Le vendredi c’est le jour de la grande prière. Alors pour la grande prière à la grande mosquée de la grande ville de Kano, je peux vous dire qu’il y a du monde !

 

A l’heure de la prière, on se dirige donc vers la mosquée pour assister à ce grand rassemblement, et plus on s’en approche plus il y a de monde (mais moins il y a de femmes aussi), tout les gens affluent vers ce même but. Aux alentours de la mosquée, les rues sont pleines de monde, la circulation est stoppée. Prévenus par la lecture d’un guide, nous essayons de nous faire le plus discret possible, mais c’est impossible, et ce sont des centaines de regards qui se braquent sur nous au fur et à mesure que les gens s’installent pour prier. Par des regards méchants, mais tellement nombreux que cela devient vite gênant et pesant. Nous préférons nous éloigner dans des ruelles voisines, là où sont restés les femmes et les enfants.

 

 

Mélanie dans la grande rue du vieux Kano

 

Une petite demi-heure plus tard le flux de personnes reprend vie mais en sens inverse. On rejoint alors la grande rue pour une dernière marche dans Kano sous le soleil écrasant avant d’aller prendre notre avion. On croise d’ailleurs une procession de gens plus excités, traînant à terre les drapeaux des E-U, d’Israël, de l’Allemagne et de l’Italie.. Il ne faut pas oublier que les affrontements chrétiens / musulmans ont fait des dizaines voir des centaines de morts (67 selon la police, 600 selon la Croix-Rouge… ah la précision nigériane.. !) il y a 2 ans et d’autres plus récemment, en début d’année..

 

 

Mais là encore aucun soucis à se faire, un monsieur vient tout de suite nous demander où nous allons pour nous tenir compagnie le temps que le défilé passe, on prend soin de nous !

 

Puis après 15 min d’Okada dans les bouchons de cet après-midi surpeuplé pour la prière, nous voilà à l’aéroport.

 

 

En Okada, un soir à Kano

 

A la sortie de l’avion à Lagos, l’humidité, qu’on avait oubliée dans cette région sèche du nord, nous colle tout de suite à la peau. En quelques secondes nous sommes poisseux. C’est Lagos.

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A
Salut Mrs Jones! Bravo pour les photos elles sont superbes!
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